Edmond

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Sortie le 9 janvier 2019 – Durée : 1h49.

Décem­bre 1897, Paris. Edmond Ros­tand n’a pas encore trente ans mais déjà deux enfants et beau­coup d’angoisses. Il n’a rien écrit depuis deux ans. En dés­espoir de cause, il pro­pose au grand Con­stant Coquelin une pièce nou­velle, une comédie héroïque, en vers, pour les fêtes.

Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi des caprices des actri­ces, des exi­gences de ses pro­duc­teurs cors­es, de la jalousie de sa femme, des his­toires de cœur de son meilleur ami et du manque d’enthousiasme de l’ensemble de son entourage, Edmond se met à écrire cette pièce à laque­lle per­son­ne ne croit. Pour l’instant, il n’a que le titre : Cyra­no de Berg­er­ac.

Notre avis : Alex­is Micha­lik a depuis plusieurs années le vent en poupe. Ce jeune acteur, auteur, met­teur en scène et désor­mais réal­isa­teur met toute son énergie et son tal­ent au ser­vice du pub­lic pour lui trans­met­tre son amour immod­éré pour le théâtre, pour les comé­di­ens, le tout avec un humour et une auto déri­sion qui font tout le sel des divers pro­jets. Dans La Mégère à peu près apprivoisée, il détour­nait avec loufo­querie Shake­speare et se lançait dans un spec­ta­cle musi­cal désopi­lant. Edmond fut d’abord un scé­nario avant d’être une pièce de théâtre à suc­cès. Nous y retrou­vons le même goût pour un humour assez british, avec le souhait que tout aille vite, vite, vite. D’ailleurs les scènes au théâtre s’enchaînent et sont présen­tées comme des séquences de film : l’adaptation ciné­matographique est trou­blante puisqu’elle per­met de retrou­ver la qua­si inté­gral­ité des moments scéniques.

Il va de soi que la genèse pour le moins chao­tique et drôle de Cyra­no de Berg­er­ac, en tout cas l’interprétation qu’en fait Alex­is Micha­lik puisque, si le film (ou la pièce) s’ouvre avec un résumé des événe­ments his­toriques de l’époque, le reste n’est pas unique­ment « basé sur des faits réels », mais sur une vision amu­sante de l’auteur qui lui per­met de tiss­er un réc­it avec les inévita­bles enjeux et obsta­cles, le jeune Edmond étant con­fron­té à des per­son­nages ten­dres ou grandil­o­quents, avec un ulti­ma­tum qui tient le spec­ta­teur en haleine : il n’a que quelques jours pour écrire sa pièce. La vitesse, là encore, est de mise.

Alex­is Micha­lik se réfère à Shake­speare in love en présen­tant son Cyra­no. Les liens sont effec­tive­ment nom­breux, une cer­taine mal­ice en plus. En out­re la mise en abîme indi­recte (Cyra­no est présen­té au pub­lic alors que le ciné­ma bal­bu­tie et va en par­tie sup­planter le théâtre en atti­rant les foules), pos­sède un charme réel, relevé par le soin porté à la recon­sti­tu­tion d’un Paris idéal­isé, mais réaliste.

La réal­i­sa­tion alerte ne laisse pas la place au temps mort, la musique (par­fois un peu trop présente) rythme les divers­es séquences. Le per­son­nage de la femme d’Edmond, qui était au demeu­rant auteur égale­ment, reste une sage femme au foy­er. Et le film se per­met une échap­pée lors de la scène de la mort de Cyra­no puisque, tout comme le final du Dernier Métro, nous sommes trans­portés avec douceur d’un décor de théâtre à la réal­ité, ici un véri­ta­ble couvent.

Le film séduit facile­ment, le souci du réal­isa­teur à cap­tiv­er son spec­ta­teur se révèle payant et l’amour qu’il a pour ses comé­di­ens, quelle que soit l’importance de leur rôle, se révèle pal­pa­ble. Tout vire­volte, dans une ronde effrénée qui con­duit Edmond Ros­tand à vivre, enfin, son suc­cès, trou­blé par ses his­toires de cœur. Un film qui don­nera sans doute envie d’aller décou­vrir la pièce, voire de lire le texte qui est édité ou encore la bande dess­inée. En ce début 2019, Alex­is Micha­lik est partout et c’est plutôt une bonne nouvelle !

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