Harriet

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Har­ri­et ©DR

Opéra con­tem­po­rain
com­po­si­tion : Hil­da Paredes
textes : Lex Bohlmei­jer, Mayra Santos-Febres
direc­tion musi­cale : Manoj Kamps
mise en scène : Jean Lacornerie
avec Nao­mi Beeldens, Claron McFad­den voix
et l’HERMES ensem­ble : Wib­ert Aerts vio­lon, Nico Couck gui­tare et Gae­tan La Mela percussions
scéno­gra­phie et images : Miwa Matreyek
lumières : Peter Quasters
élec­troa­cous­tique : CIRM Exper­i­men­tal studio

Tournée 2018–2019 :
le 03 octo­bre 2018 au Muziekge­bouw aan‘t IJ, Amsterdam
le 17 octo­bre 2018 à Gua­na­ju­a­to, Mexique
le 19 octo­bre 2018 à Mex­i­co city, Mexique
le 09 novem­bre 2018 au The­ater aan de Parade Bois-le-Duc, Pays-Bas
le 20 novem­bre 2018 à Hud­der­s­field, Royaume-Uni
le 4 décem­bre 2018 à Lyon
le 27 avril 2019 au deSin­gel — Anvers
le 22 mai 2019 à l’Operadagen — Rotterdam

Immense fig­ure de l’histoire de l’Amérique, Har­ri­et Tub­man est peu con­nue en France où on n’enseigne pas l’histoire de l’esclavage. Elle aida de nom­breux esclaves à s’enfuir et fut notam­ment l’animatrice d’un réseau de passeurs appelé Le Chemin de fer clan­des­tin (The Under­ground Rail­road). Elle s’engagea ensuite dans la guerre de Séces­sion, du côté du Nord, prenant la tête d’un réseau d’espionnage. Infati­ga­ble, elle mili­ta jusqu’à sa mort à près de 90 ans pour le droit de vote des femmes.
La sopra­no Claron McFad­den 1 qui aime incar­n­er les femmes de car­ac­tère a sus­cité l’écriture d’un nou­v­el opéra pour célébr­er celle qu’on appelait « la Moïse du peu­ple noir ». Car la musique est au cœur de cette his­toire ter­ri­ble. Les déplace­ments des fugi­tifs s’effectuaient la nuit et on chan­tait, puisque les esclaves étaient autorisés à prier une fois le labeur accom­pli. Le réseau util­i­sait les spir­i­tu­als comme mes­sages codés pour indi­quer les points de ren­dez-vous, les dan­gers, etc.
On en retrou­vera l’écho trans­for­mé par l’électronique dans la par­ti­tion de la com­positrice con­tem­po­raine Hil­da Pare­des. Jean Lacorner­ie fait aus­si appel à la vidéaste cal­i­forni­enne Miwa Matreyek pour faire dia­loguer les images avec la musique, faire appa­raître les traces de l’Histoire et ses résur­gences aujourd’hui entre clan­des­tins et réfugiés.

Notre avis :

Har­ri­et Tub­man fait par­tie des grands per­son­nages his­toriques peu con­nus en France. Cette femme noire améri­caine a pour­tant mené de grandes actions de lutte con­tre l’esclavage. « La Moïse du peu­ple noir » a prin­ci­pale­ment été mise en lumière de ce côté-ci de l’At­lan­tique lorsqu’il a été prévu de la faire fig­ur­er sur les bil­lets de 20 dol­lars (pro­jet avorté à la suite de l’élection de Don­ald Trump). Les pas­sion­nés de séries télévisées l’au­ront éventuelle­ment décou­verte dans Under­ground…prob­a­ble­ment sans réalis­er le plus sou­vent que ce per­son­nage avait réelle­ment existé.

Comme avec Calamity/Billy, le met­teur en scène Jean Lacorner­ie et la sopra­no Claron Mc Fad­den ne s’attachent pas unique­ment aux actes de bravoure d’une fig­ure mythique de l’Amérique mais surtout à son his­toire plus per­son­nelle, plus intime. Cette dimen­sion se retrou­ve notam­ment dans le dépouille­ment de la scène, décorée prin­ci­pale­ment par un rideau de fils. Les inter­prètes jouent avec cet élé­ment de décor ain­si que la vidéaste Miwa Matreyek qui y fait pro­jeter de belles ani­ma­tions. Ceci rend cer­tains tableaux par­ti­c­ulière­ment mar­quants sur le plan visuel, alors que le noir et le blanc dominent.

Har­ri­et est un opéra de musique con­tem­po­raine. Les com­po­si­tions d’Hilda Pare­des séduisent un pub­lic aver­ti tout en pou­vant dérouter ceux qui s’attendaient à un for­mat plus « con­ven­tion­nel ». Les deux sopra­nos Claron Mc Fad­den et Nao­mi Beeldens for­ment un remar­quable duo en s’appropriant avec brio la musique jouée par l’Hermes Ensemble.

Le spec­ta­cle Har­ri­et présente la par­tic­u­lar­ité d’être créé par une équipe inter­na­tionale et d’être joué dans plusieurs pays (Mex­ique, Benelux, Roy­aume-Uni…) pour des dates uniques (à Lyon en l’occurrence pour la France). On ne peut que souhaiter de nou­velles représen­ta­tions plus nom­breuses, notam­ment sur le sol français, la sai­son prochaine voire les suiv­antes. Les com­bats d’Harriet Tub­man pour la lib­erté au sens large ont bel et bien un car­ac­tère encore d’actualité sub­tile­ment mis en relief par ce spectacle.

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