Judy

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Sortie le 26 février 2020.

Hiv­er 1968. La légendaire Judy Gar­land débar­que à Lon­dres pour se pro­duire à guichets fer­més au Talk of the Town. Cela fait trente ans déjà qu’elle est dev­enue une star plané­taire grâce au Magi­cien d’Oz. Judy a débuté son tra­vail d’artiste à l’âge de deux ans, cela fait main­tenant plus de qua­tre décen­nies qu’elle chante pour gag­n­er sa vie. Elle est épuisée. Alors qu’elle se pré­pare pour le spec­ta­cle, qu’elle se bat avec son agent, charme les musi­ciens et évoque ses sou­venirs entre amis, sa vivac­ité et sa générosité séduisent son entourage. Han­tée par une enfance sac­ri­fiée pour Hol­ly­wood, elle aspire à ren­tr­er chez elle et à con­sacr­er du temps à ses enfants. Aura-t-elle seule­ment la force d’aller de l’avant ?

Notre avis : Portés par la vague des biopics con­sacrés à Fred­dy Mer­cury et Elton John, les pro­duc­teurs ont jeté leur dévolu sur une autre star mythique : Judy Gar­land. Pour ce faire, le scé­nar­iste Tom Edge adapte la pièce bri­tan­nique End of the Rain­bow de Peter Quil­ter. Il y était ques­tion de l’exil lon­donien de Judy et de ses cinq semaines de représen­ta­tions pour le moins iné­gales au Talk of the Town. Elle devait décéder quelques mois après la dernière et ne retourn­era jamais vivre en Amérique. La pièce met­tait en scène, en plus de la star, son pianiste gay et son futur cinquième mari. Le film a bien enten­du large­ment étof­fé la galerie de per­son­nages, et le pianiste attitré a été rem­placé par celui du cabaret lon­donien. C’est un per­son­nage qui d’ailleurs n’a qu’une présence satel­li­taire. Judy Gar­land, sans doute plus con­nue de l’autre côté de la Manche comme de l’Atlantique, est un per­son­nage mélo­dra­ma­tique idéal, mais presque « big­ger than life » et à la psy­cholo­gie telle­ment com­plexe et fasci­nante que, juste­ment, il ne saurait être cir­con­scrit à une seule œuvre. Il est forte­ment ques­tion dans le film de son passé, avec des flash­backs qui per­me­t­tent de voir, de manière sou­vent un peu démon­stra­tive, le poids de la MGM sur la jeune Judy qui dut se soumet­tre à des traite­ments épou­vanta­bles pour endoss­er le rôle de Dorothy dans Le Magi­cien d’Oz ou encore ses rôles dans les musi­cals avec Mick­ey Rooney. Louis B. May­er n’était pas un ten­dre, ce qui se con­firme durant ses deux appari­tions. Les médica­ments que l’adolescente fut for­cée à pren­dre éprou­veront durable­ment tant son physique que son men­tal. C’est ce que mon­tre le film.

L’enfance est au cœur de ce biopic par le biais de celle de Judy, mais aus­si celle de ses jeunes enfants, Lor­na et Joseph. Star mythique mais ingérable aux États-Unis, plus per­son­ne ne veut l’embaucher. Finan­cière­ment, elle ne peut plus sub­venir à leurs besoins et se voit con­train­dre de son­ner à la porte de leur père, dont elle est séparée. S’exiler à Lon­dres représente la promesse de gag­n­er de l’argent pour mieux revenir s’occuper d’eux. Voilà donc l’enjeu prin­ci­pal du réc­it. Mais le film explore surtout la com­plex­ité d’une vedette qui vit égale­ment un con­flit intérieur fort, par­fois tirail­lée entre l’amour pour sa famille et celui de son pub­lic, comme le démon­tre la dernière séquence par une sorte d’outrance dra­maturgique que nous ne dévoilerons pas. Le réal­isa­teur, qui sem­ble peu à l’aise avec la mise en scène ciné­matographique, choisit des par­tis pris qui ren­dent son film un peu ban­cal. Ain­si il faut atten­dre au moins quar­ante-cinq min­utes avant d’entendre la moin­dre chan­son, de sur­croit inter­prétée par Renée Zell­weger. Le tim­bre si par­ti­c­uli­er de Judy Gar­land n’a pas sa place dans le film, ce qui peut être un prob­lème auprès d’un pub­lic néo­phyte. La star n’avait-elle pas une voix d’exception ? Nous pou­vons nous inter­roger sur la per­ti­nence de ce choix qui sem­ble être motivé en par­tie parce qu’il n’existe pas d’enregistrements val­ables de cette époque. L’autre argu­ment est que la voix avait per­du de son éclat et que, par con­séquent, faire inter­préter les chan­sons par l’actrice posait moins de prob­lème. Afin que cha­cun puisse se faire une idée, vous trou­verez ci-dessous un extrait du fameux « Over the Rain­bow » daté de 1969, soit l’année de la mort de la chanteuse. Quant à Renée Zell­weger, mul­ti-récom­pen­sée (comme c’est sou­vent le cas, nous pou­vons le remar­quer, pour les actri­ces et acteurs qui ren­dent physiques leurs per­for­mances), elle ne démérite pas et sem­ble habitée par son per­son­nage qu’elle copie avec soin. En plus d’être grimée, elle adopte sa gestuelle, ses mim­iques. Liza Min­nel­li, qui s’était opposée à ce choix, appa­raît, jeune, dans une brève scène, incar­née par Gem­ma-Leah Dev­ereux. Judy icône gay, voilà égale­ment un thème abor­dé dans le film par le biais d’un cou­ple d’hommes qui fréquente assidû­ment la salle où se pro­duit leur vedette préférée et, un soir où ils l’attendent à la sor­tie des artistes, se pro­duit l’inimaginable pour eux. Là encore, nous vous lais­sons le soin de décou­vrir de quoi il s’agit… Même si ce rebondisse­ment sem­ble trop « scé­nar­is­tique­ment » par­fait pour être hon­nête, gageons qu’il sera de nature à faire rêver les fans…

Dans ce biopic, le per­son­nage qui se taille facile­ment la part du lion est bien celui de Ros­alyn Wilder, qu’incarne avec con­vic­tion Jessie Buck­ley. Assis­tante du pro­duc­teur lon­donien Bernard Del­font, elle eut la lourde tâche de gér­er la star qui, vraisem­blable­ment, lui en a fit voir de toutes les couleurs. Entre crise de déprime, moments d’exaltation, mariage avec le prof­i­teur Mick­ey Deans, elle fut une présence plus ou moins dis­crète. Vous pour­rez décou­vrir ci-après une inter­view de cette femme, qui fut con­sul­tante sur le film. Elle avoue d’ailleurs dans un arti­cle que cer­tains événe­ments ont été incor­porés au film de manière un peu out­rée. Par exem­ple, elle n’aurait jamais poussé Judy Gar­land sur scène comme elle le fait dans le film. En revanche, elle se sou­vient d’une soirée où, arrivée très en retard et livrant une per­for­mance très médiocre, la star reçut des bouts de pain en guise de mécon­tente­ment — le cabaret dans lequel elle se pro­dui­sait était égale­ment un restaurant.

En résumé, si vous con­nais­sez déjà Judy Gar­land, ce film ne vous appren­dra pas grand chose, mais pour­ra vous dis­traire en vous inci­tant sans doute à réé­couter des titres de cette grande inter­prète. Si vous la décou­vrez, après avoir écouté les ver­sions de Renée Zell­weger, n’hésitez pas à vous plonger dans la discogra­phie de la véri­ta­ble, l’unique, irrem­plaçable Judy Garland.

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