Rencontre avec Rachel Stanley, l’épatante mère de Fanny Brice dans Funny Girl

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Vous êtes une une comé­di­enne et chanteuse bri­tan­nique ; quel est votre parcours ?
J’étais une enfant très timide, ce qui con­trari­ait mes par­ents. Alors ils m’ont fait com­mencer la danse, et j’en suis tombée amoureuse ; j’aimais les vieux films, les films de la MGM avec Gene Kel­ly, Fred Astaire, Gin­ger Rogers. Je vous dirais que je suis devenu accro ! Mais lorsque mes par­ents se sont ren­du compte que je n’étais plus du tout timide, à tel point que je voulais me lancer dans une for­ma­tion pour tra­vailler dans le show busi­ness, ils se sont forte­ment inquiétés. Ils m’ont toute­fois accom­pa­g­née à une audi­tion à l’université, pen­sant que ce serait un échec et, comme j’ai été choisie, ils ont pris con­science que cela me tenait très à cœur et ont con­clu : « C’est ça qu’elle doit faire alors. » Depuis, je n’ai jamais regardé en arrière et voilà 30 ans que ça dure… J’ai eu la chance d’avoir con­stam­ment du tra­vail. Pour ce qui est de Fun­ny Girl, on m’a appelée et je me suis présen­tée ; en réal­ité, j’ai audi­tion­né avec « I’m the Great­est Star » (rires) de façon qu’on se rende compte de mon réper­toire… et j’ai été prise !

Par­lez-nous de votre col­lab­o­ra­tion avec Stephen Mear, le choré­graphe et met­teur en scène ?
Nous nous con­nais­sons bien, j’ai tra­vail­lé bien des fois avec lui. J’ai fait Sin­gin’ in the Rain, Any­thing Goes, Thor­ough­ly Mod­ern Mil­lie, Crazy For You, Guys and Dolls au Roy­al Albert Hall de Lon­dres. Le retrou­ver pour cette aven­ture parisi­enne – c’est la pre­mière fois que je par­ticipe à une pro­duc­tion en France et j’en suis plus que ravie – m’apparaît comme un cadeau.

Et votre rôle, la mère de Fan­ny Brice que vous jouez dans Fun­ny Girl ?
Rose Bryce était une juive hon­groise, elle avait 10 ans quand elle a débar­qué à New York, elle pos­sé­dait des saloons (bars) avec son mari qui était un peu louche, elle s’en est débar­rassé, elle a élevé ses enfants toute seule, puis il sem­ble qu’elle se soit mise à ven­dre des maisons, etc. Je me suis dit que cette femme qui éle­vait seule ses enfants à cette époque-là, et dans un bar, devait avoir une sacrée dose de courage. En out­re, Stephen et moi avions l’idée que, elle aus­si, aurait voulu être sur scène (un peu comme la mère pos­ses­sive de Gyp­sy, autre musi­cal com­posé par Jule Styne, N.D.L.R.). J’interprète par con­séquent la chan­son « Who Taught Her Every­thing ? » avec cette indi­ca­tion en tête. Si Fan­ny est intel­li­gente et fougueuse, elle doit bien tenir ça de quelque part (rires) !

Quelle est votre manière de travailler ?
Je n’ai eu le livret qu’une semaine avant le début des répéti­tions. Je con­nais­sais les chan­sons, car Fun­ny Girl fait par­tie de mes films préférés. Mais il y a beau­coup de numéros qui sont dif­férents entre la pièce et le film. Par ailleurs, j’ai fait des recherch­es sur le per­son­nage, sur l’époque où se déroule l’action, sur les spec­ta­cles que le pub­lic pou­vait voir. J’ai aus­si fait des recherch­es sur l’histoire de Hen­ry Street, et j’ai trou­vé des infor­ma­tions vrai­ment intéres­santes ; puis j’ai com­mencé à écouter ce que je pou­vais trou­ver des chan­sons. Ensuite arrivent les répéti­tions ; nous com­mençons par une lec­ture de la pièce, c’est une façon de se ren­con­tr­er entre artistes et aus­si une autre façon de ren­con­tr­er le per­son­nage que l’on va inter­préter. Cer­taines comé­di­ennes aiment appren­dre le livret avant de com­mencer, d’autres aiment atten­dre le tra­vail sur scène car c’est plus facile d’intégrer le texte physique­ment. Je fais un peu des deux : je me famil­iarise avec le livret, mais j’attends aus­si le tra­vail sur scène pour éviter de devenir trop rigide et pour pou­voir être ouverte à d’autres nom­breuses façons de jouer. Voilà com­ment je m’y prends.

Com­ment ressen­tez-vous la réac­tion du pub­lic français ?
On ne savait pas trop à quoi s’attendre, notam­ment à cause de la tra­duc­tion – on ne savait pas si elle fonc­tion­nerait –, et puis on par­le telle­ment vite pour respecter la scan­sion des juifs améri­cains de Brook­lyn ; je vous avouerai que l’on a ten­té de ralen­tir un peu ! Eh bien le pub­lic français m’a épous­tou­flé ! Son accueil est telle­ment chaleureux. La pre­mière fois qu’il y a eu du pub­lic, j’étais en état de choc ; et, à la fin, c’est mer­veilleux, j’en ai pleuré… C’était vrai­ment incroy­able, la réac­tion du pub­lic. Vous vous êtes sur­passés ! Nous le ressen­tons telle­ment fort sur scène, c’est comme une lumière, c’est merveilleux !

Com­ment organ­isez-vous vos journées ?
Je décou­vre cette belle ville en faisant du tourisme, évidem­ment. Hier, par exem­ple, nous sommes allés dans les jardins du Lux­em­bourg, sur le boule­vard Saint-Ger­main, puis nous sommes mon­tés au théâtre, en pas­sant par le Petit Palais. J’habite près du Marais, vers les Halles, c’est mer­veilleux par là-bas : il y a tou­jours de nou­velles choses à voir, donc on essaye de pass­er notre temps à voir des choses, mais à se repos­er aus­si. C’est très impor­tant de repos­er sa voix. Il faut faire atten­tion car on ne doit pas se fatiguer avant le spec­ta­cle. Nous devons manger au bon moment en rai­son des corsets que l’on porte et qui sont peu con­fort­a­bles. Si je veux que tout se passe bien, je mange vers 15 h. Et puis, j’ai trois micros sur moi : deux pour ma voix, dont l’un en cas de sec­ours, et un troisième pour les claquettes.

Quel regard portez-vous sur Fun­ny Girl ?
Je remar­que que la plu­part des comédies musi­cales se ter­mi­nent sur une note joyeuse, mais pas celle-ci : on est en ce sens comme dans la vraie vie ! Fan­ny se retrou­ve seule, mais se res­saisit et se bat, son tem­péra­ment per­met au show de ter­min­er sur une note pos­i­tive. Mal­gré ses tour­ments, elle doit mon­ter sur scène et assur­er la représen­ta­tion. Je m’identifie com­plète­ment avec ce moment, car j’ai été dans cette sit­u­a­tion : j’ai mis fin à mon mariage et je devais mon­ter sur scène le soir d’une pre­mière. Cela résonne, j’imagine, pour cha­cun des inter­prètes. Comme il est de cou­tume de dire : « The show must go on », quoiqu’il advienne.

Fun­ny Girl est un musi­cal assez féministe ?
Je souscris… Des femmes fortes peu­plent ce musi­cal, Mme Brice en fait par­tie ! Le spec­ta­cle reste avant tout diver­tis­sant, mais sus­cite divers­es ques­tions. C’est vrai­ment ce qui me plaît. Et du diver­tisse­ment, vous en auriez si vous veniez en coulisse, c’est par­fois hila­rant, même si tout est réglé au mil­limètre. Je trou­ve cela fasci­nant de voir de l’intérieur com­ment on tente chaque soir de créer cette magie, que per­son­ne ne voit. J’ai tou­jours été chanceuse de faire ce que je fais, je suis telle­ment recon­nais­sante envers ma bonne étoile. Et là ! Je suis à Paris ! Je me sens telle­ment chez moi dans ce théâtre…

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