Spamalot

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Théâtre de Paris – 15, rue Blanche, 75009 Paris.
Du 23 septembre 2023 au 10 février 2024.
Renseignements et réservations sur le site du Théâtre de Paris.

Dix ans après son suc­cès parisien, la comédie adap­tée du film Mon­ty Python : Sacré Graal (1975) revient dans l’Hexagone avec son lot de lap­ins tueurs, de fief­fés Français flat­u­lents et cette ques­tion uni­verselle « les hiron­delles peu­vent-elles trans­porter des noix de coco ? », qui réjouiront tous les con­nais­seurs du Grand-Œuvre des Mon­ty Python.

Créée en 2005 à Broad­way par Eric Idle, l’un des mem­bres des Mon­ty Python (livret, chan­sons et musique) en col­lab­o­ra­tion avec John du Prez pour la musique, la comédie musi­cale est, comme le film avant elle, une par­o­die de la légende arthuri­enne, émail­lée de l’humour si déli­cate­ment grav­eleux des Mon­ty Python.

Sa pre­mière adap­ta­tion en France était signée Pierre-François Mar­tin-Laval (Pef) et c’est de nou­veau l’ex Robin-des-Bois qui va siéger à la Table ronde pour la mise en scène (et dans la dis­tri­b­u­tion), avec une adap­ta­tion revisitée.

Notre avis : La ren­trée des gross­es pro­duc­tions com­mence sur les cha­peaux de roue, ou plutôt sur un galop cadencé par des noix de coco, avec ce Spa­malot irré­sistible et désopi­lant. Treize ans après sa pre­mière ver­sion française au Comé­dia et dix ans après son trans­fert à Bobi­no, Pierre-François Mar­tin-Laval, l’ex-Pef des Robin des Bois, depuis lors adoubé par le libret­tiste Eric Idle des Mon­ty Python, revêt derechef la cotte du roi Arthur pour une nou­velle quête du Graal dans une adap­ta­tion large­ment rafraîchie et aux dimen­sions colos­sales – décors gigan­tesques, 250 cos­tumes… Et qu’est-ce qu’on rit !

©Thomas Nicolon

Dans cette épopée bur­lesque des cheva­liers « d’une table super-hyper-ronde », l’in­trigue de Spa­malot a moins d’in­térêt que les sail­lies à répéti­tion qui jail­lis­sent à chaque tableau, où chaque sit­u­a­tion est pré­texte à des dia­logues décalés, des apartés far­felus, des répliques puériles, des absur­dités hénau­rmes, des bouf­fon­ner­ies impayables… Les scènes par­lées baig­nent allè­gre­ment dans l’ironie, la crétiner­ie, l’hu­mour potache, le jeu de mot – volon­taire­ment ? – raté, l’anachro­nisme, l’in­ter­pel­la­tion à l’équipe tech­nique en coulisse, le théâtre dans le théâtre… Et les numéros musi­caux sont autant d’oc­ca­sion de danser et d’élec­tris­er l’am­biance… Et qu’est-ce qu’on rit !

Adapter pour le pub­lic français un livret et des paroles aus­si tein­tés d’hu­mour anglais – le film Holy Grail! des Mon­ty Python de 1975 – et aus­si ancrés dans l’u­nivers de Broad­way – le Tony Award 2005 du meilleur spec­ta­cle musi­cal – demande un savoir-faire pré­cis. Nous saluions déjà l’adap­ta­tion de 2010, et cette nou­velle mou­ture, tou­jours très fidèle à l’e­sprit non­sense d’o­rig­ine, brille par sa per­ti­nence : sujets soci­aux dans l’air du temps ou événe­ments récents typ­ique­ment de chez nous – on ne vous divul­gâchera rien ! –, mais aus­si allu­sions et clins d’œil à des spec­ta­cles ou des artistes bien con­nus en France… L’ac­tu­al­i­sa­tion était égale­ment inévitable pour être en phase avec nos chers réseaux soci­aux ; elle est tout à fait de cir­con­stance pour la chan­son « You Won’t Suc­ceed on Broad­way » où des influ­enceurs d’« Insta­graal » et « Tok Tok » rem­pla­cent les Juifs créa­teurs de suc­cès du show-busi­ness dans la ver­sion orig­i­nale, une référence per­cu­tante à New York qui se serait per­due chez nous… sauf quand elle lorgne du côté de Rab­bi Jacob… Et qu’est-ce qu’on rit !

© LP/­Jean-Bap­tiste Quentin

👑 Pef, seul rescapé du plateau d’il y a treize ans, n’a tou­jours pas le for­mat vocal ou physique du créa­teur du rôle, Tim Cur­ry, mais on s’en fiche : il fait de son roi Arthur un sou­verain mi-teigne mi-ado attardé et affiche une vital­ité stupé­fi­ante, une vis com­i­ca immarcesci­ble. À sa suite et après un cast­ing qu’on imag­ine très pointu par­mi 650 candidat·e·s, Bruno Lo Giu­dice (Belvédère Jacques Veber Bede­vere🗡️), Matthieu Pil­lard (Lancelot🗡️🪨), Ludovic Thievon (Robin🗡️🎵) n’ap­pel­lent que des éloges, cha­cun dans son reg­istre ; et on retient les per­for­mances de Vin­cent Escure (Pat­sy, Her­bert👸) et Basile Alaï­malaïs en Gala­had🛡️, tous deux vocale­ment impres­sion­nants. Véronique Hatat en his­to­ri­enne pisse-vinai­gre secrète­ment délurée com­plète la galerie de per­son­nages déjan­tés. Et… bien sûr… com­ment oubli­er Lau­ren Van Kem­pen en Dame du Lac lubrique et prête à tout pour ne pas être reléguée en coulisse, à l’al­lure impéri­ale et aux voix bluffantes – graves, surai­gus, belt, scat… –, qui mag­né­tise le pub­lic à cha­cune de ses appari­tions ? L’orchestre dirigé par Karim Med­je­beur – très sol­lic­ité par la mise en scène – insuf­fle un tonus irré­press­ible qui fait fon­dre, bondir, swinguer, vire­volter… Toutes et tous ensem­ble, portés par une direc­tion d’ac­teurs qu’on devine très pré­cise mal­gré un sujet foutraque, avec la for­mi­da­ble troupe qui les entraîne dans des choré­gra­phies enlevées, déploient une folle énergie com­mu­nica­tive et irré­press­ible qui cul­mine dans un « Always Look on the Bright Side of Life » final qui sus­cite une stand­ing ova­tion ample­ment méritée.

À moins d’être com­plète­ment réfrac­taire à l’hu­mour, voilà une loufo­querie tout pub­lic qui vous décrassera les zygomatiques.

Retrou­vez une inter­view de Pef sur France Cul­ture à pro­pos de Spa­malot.

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