West Side Story (Critique)

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Mise à jour :

Depuis quelques mois, l’Ile Seguin accueille un com­plexe cul­turel dédié à la cul­ture et au diver­tisse­ment. A la tête de la pro­gram­ma­tion artis­tique : Jean-Luc Choplin, tout droit arrivé du Châtelet qu’il dirigeait depuis 2004. Pour sa pre­mière incur­sion dans le domaine de la comédie musi­cale, le nou­v­el écrin du West Side parisien accueille le mythique West Side Sto­ry, décou­vert en 2012… au théâtre du Châtelet.
Cinq ans plus tard, le spec­ta­cle que d’au­cuns con­sid­èrent comme le chef d’oeu­vre du genre est tou­jours mis en valeur par la mise en scène de Joe McK­neely, inté­grant les choré­gra­phies orig­inelles de Jerome Rob­bins sous la par­faite direc­tion musi­cale de Don­ald Chan. Pour inter­préter les amants trag­iques, on retrou­ve cette fois Kevin Hack (Next To Nor­mal, Les Mis­érables) et Natal­ie Bal­lenger (My Fair Lady, Guys and Dolls). La sul­fureuse Ani­ta est inter­prétée par la bril­lante Keely Beirne (Mary Pop­pins, Mem­phis).
Si la magie est tou­jours au ren­dez-vous côté artis­tique, quelques bémols nuanceront peut-être l’enthousiasme de cer­tains spec­ta­teurs, notam­ment ceux qui, même à une dis­tance raisonnable, ne peu­vent dis­tinguer les vis­ages des artistes. La salle est immense et la vue d’ensemble sem­ble être par­faite quel que soit l’emplacement. Pour appréci­er les choré­gra­phies ou les mag­nifiques créa­tions lumières, c’est idéal. Pour palper l’émotion et recon­naître un Jet d’un autre, c’est plus déli­cat. Avis aux pro­prié­taires de jumelles. La Seine musi­cale n’est donc sans doute pas la salle la plus adap­tée pour sub­limer la pro­duc­tion actuelle mais si le fla­con est impar­fait, l’ivresse reste de mise dès les pre­mières notes… et les pre­miers claque­ments de doigts.

Notre avis (cri­tique parue lors des représen­ta­tions de 2012 au Châtelet) :

Clas­sique par­mi les clas­siques du théâtre musi­cal, le légendaire West Side Sto­ry (musique de Bern­stein, lyrics de Sond­heim, livret de Lau­rents et mise en scène et choré­gra­phie de Rob­bins) vient régulière­ment brûler les planch­es parisi­ennes (troisième pas­sage au Châtelet depuis les années 90, sans oubli­er une pro­duc­tion au Palais des Sports en 98–99 avec Max Von Essen) pour le plus grand bon­heur des spec­ta­teurs français qui sem­blent le plébisciter à chaque fois, « mal­gré » le fait que le spec­ta­cle soit entière­ment joué en anglais (avec surtitres).

Lorsque, par exem­ple, le site améri­cain Play­bill inter­roge des artistes et leur demande quel musi­cal ils souhait­eraient voir s’ils pou­vaient voy­ager dans le temps, beau­coup répon­dent : la pro­duc­tion orig­i­nale de West Side Sto­ry (en 1957). On peut aisé­ment le com­pren­dre. Véri­ta­ble révo­lu­tion dans sa façon d’envisager le théâtre musi­cal, West Side Sto­ry a défini­tive­ment mar­qué un tour­nant dans l’histoire de Broad­way avec son livret adulte et son traite­ment inno­vant. C’est un peu de cette « his­to­ry in the mak­ing » qu’il nous est don­né de (re)voir (de façon rétro­spec­tive) au Châtelet. Dès le pro­logue, avec ce bal­let urbain, ce lan­gage de la rue revis­ité par Rob­bins, cette par­ti­tion de Bern­stein qui ne ressem­ble à aucune autre, on peut com­pren­dre la révo­lu­tion qu’a pu causer West Side Sto­ry à l’époque.
Si la mise en scène orig­i­nale est cer­taine­ment revis­itée (par exem­ple, le décor et les lumières épurées ajoutent une touche de sub­tile moder­nité), Joel McNeely con­serve l’esprit de Rob­bins, avec qui il a par ailleurs col­laboré à la fin des années 80. Ajou­tons à cela un orchestre con­séquent (comme on n’en voit presque plus désor­mais à Broad­way pour des raisons économiques), cette pro­duc­tion est défini­tive­ment le meilleur moyen de s’approprier un peu de l’histoire de Broadway.

Cepen­dant, la musique a beau être sub­lime, la mise en scène impec­ca­ble, la choré­gra­phie superbe, les lyrics bril­lants, l’histoire aura tou­jours du mal à saisir le spec­ta­teur si celui-ci ne croit pas aux per­son­nages. Or, il est impos­si­ble dans le cas présent de ne pas être touché par la sincérité et la fraîcheur désar­mantes du cou­ple trag­ique que for­ment Tony et Maria (Chris Behmke et Jas­mi­na Sakr, lors de la représen­ta­tion à laque­lle nous avons assisté). L’alchimie entre les deux jeunes pre­miers fonc­tionne par­faite­ment, et il est par­ti­c­ulière­ment agréable d’avoir des comé­di­ens ayant l’âge du rôle et par­faite­ment à l’aise dans le chant comme dans la comédie (cer­taines pro­duc­tions priv­ilé­giant par­fois le chant au détri­ment du jeu). Yani­ra Marin, dans le rôle d’Anita, ajoute sa touche de fièvre latine. Out­re sa voix et son sens comique pince-sans-rire, Marin est égale­ment une fasci­nante danseuse. Impos­si­ble de la quit­ter des yeux durant le flam­boy­ant « America ».

Plus de cinquante ans après sa créa­tion, West Side Sto­ry prou­ve – si besoin était – son intem­po­ral­ité et c’est sans aucun risque qu’on peut affirmer qu’il con­tin­uera à boule­vers­er de nom­breuses généra­tions futures avec cette his­toire d’amour absolu et de quête de sérénité.

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