Le Retour de Mary Poppins (Critique)

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Il aura donc fal­lu plus d’un demi-siè­cle avant de voir à nou­veau Mary Pop­pins sur grand écran. C’est après avoir tra­vail­lé ensem­ble sur l’adaptation d’Into the Woods que le réal­isa­teur Rob Mar­shall et les pro­duc­teurs John DeLu­ca (son mari) et Mark Platt ont eu l’idée de créer une suite au fameux film de 1964. L’histoire est orig­i­nale, inspirée de plusieurs nou­velles de P.L. Travers.

Elle se déroule pen­dant la Grande Dépres­sion, vingt-cinq ans après la fin du pre­mier opus. Les enfants Banks ont gran­di, Michael (Ben Wishaw, touchant), jeune veuf qui a du mal à s’en sor­tir, a trois enfants qui doivent appren­dre à vivre sans leur mère tan­dis que sa soeur Jane (Emi­ly Mor­timer), vient régulière­ment l’aider tout en mil­i­tant active­ment pour le par­ti tra­vail­liste. La cuisinière Ellen (Julie Wal­ters) est tou­jours là, l’amiral Boom également.

C’est avec tout ce petit monde, tou­jours à Cher­ry Tree Lane, que com­mence l’histoire, sous l’oeil rieur et bien­veil­lant de Jack, l’allumeur de réver­bère (Lin-Manuel Miran­da, plein d’énergie opti­miste), digne héri­ti­er du ramoneur Bert dont il était apprenti.

Michael Banks a donc quelques dif­fi­cultés à gér­er sa vie de père, d’artiste et d’employé de banque (unique­ment en tra­vail ali­men­taire), et sa mai­son se trou­ve en dan­ger quand la-dite banque men­ace de leur retirer.

C’est donc dans ce con­texte dif­fi­cile qu’arrive la tant atten­due Mary Pop­pins. Et ne le cachons pas, voir appa­raître sa sil­hou­ette dans le ciel lon­donien provoque instan­ta­né­ment le sourire du sou­venir, et gageons que les enfants qui décou­vriront la gou­ver­nante pour la pre­mière fois souriront eux aussi.

C’est Emi­ly Blunt (déjà dans Into the Woods) qui prête doré­na­vant ses traits et sa voix à Mary Pop­pins. La tâche n’était pas aisée, Julie Andrews ayant ren­du le per­son­nage et ses chan­sons iconiques. La jeune anglaise n’a peut-être pas une voix aus­si douce mais elle n’a absol­u­ment pas à rou­gir devant la com­para­i­son inévitable. Elle incar­ne totale­ment son rôle, lui apporte une touche de mal­ice et de déri­sion sup­plé­men­taires, et ses numéros musi­caux sont exé­cutés avec beau­coup de bon­heur. Elle ne fait pas oubli­er Andrews mais se hisse à sa hau­teur et fait décou­vrir une Mary Pop­pins dif­férente, plus chaleureuse et espiè­gle, “pra­tique­ment par­faite dans tous les sens”.

On s’amuse à la suiv­re, ain­si que Jack, les enfants et tous ceux qu’ils ren­con­trent lors de leurs aven­tures fan­tas­tiques. Dans un sal­adier mag­ique par exem­ple, où l’on passe dans un décor ani­mé en 2D comme dans le pre­mier film, qui per­met un numéro digne de Broad­way, genre dans lequel excelle Rob Mar­shall. Il offre égale­ment à Lin-Manuel Miran­da un numéro presque rap­pé, petit clin d’oeil à ses pro­pres spec­ta­cles qui ont révo­lu­tion­né le musi­cal améri­cain ces dernières années. C’est aus­si l’occasion de décou­vrir Top­sy, la cou­sine de Mary, dans un numéro avec une Meryl Streep sur­voltée (et col­orée !) ou bien une vendeuse de bal­lons mag­iques sous les traits de la tou­jours attachante Angela Lans­bury. Le clou musi­cal sera sans doute le numéro « Lumi­no­mag­i­fan­tas­tique » (« Trip a Lit­tle Light Fan­tas­tic » en VO), avec tous les allumeurs de réver­bère venant en aide à la petite troupe dans un gigan­tesque bal­let, qui fait directe­ment écho à Step in Time et ses ramoneurs.
Et puis il y a l’apparition, ce n’est pas un secret, du père du ban­quier, joué par nul autre que Dick Van Dyke. L’acteur a main­tenant qua­tre-vingt douze ans mais ose tou­jours danser sur un bureau sous les yeux ébahis de tous.

Il y a égale­ment quelques moments moins spec­tac­u­laires, dans les scènes avec Michael et avec la chan­son “Où vont les choses” (“The Place Where Lost Things Go”), qui apporte une pointe d’émotion, à la manière de “Nour­rir les p’tits oiseaux” (“Feed the Birds”).
Scott Wittman et Marc Shaiman (à qui l’on doit notam­ment Hair­spray) se sont adap­tés à leurs inter­prètes et ont écrit des morceaux sur mesure qui ren­dent hom­mage à ceux des frères Sher­man. Souhaitons-leur qu’ils restent aus­si longtemps dans les mémoires.

Vous l’aurez com­pris, on prend du plaisir à voir revenir Mary Pop­pins et son petit monde. On reste certes dans un univers con­nu où les nou­veaux per­son­nages ou numéros, sans plagi­er, évo­quent (par­fois forte­ment) le pre­mier film. On aurait pu aimer un peu plus d’originalité, mais dans le con­texte et le cli­mat actuels, ce film plein de fan­taisie, à l’in­star de l’o­rig­i­nal, est comme un morceau de sucre pour aider la médecine à couler.

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